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Photographier et podcaster de l’Intérieur les Communautés Chemsex. Témoigner des Usages de la Recherche et de ses Effets

L'objectif principal de ce projet est d’analyser empiriquement la façon dont le chemsex – et les usages de drogue chez les HSH – ont été constitués en objets de recherche et d’intervention en France. Cette enquête aura également pour objectif de questionner les apports et les défis de la recherche participative ou communautaire dans ce domaine et de contribuer à la réflexion méthodologique sur les manières de faire de la recherche, en s’appuyant sur une approche innovante autour des récits de pratiques (Photovoix et Podcasts)

Période du projet :
-
Membre(s) SESSTIM du projet :
Commanditaires :

ANRS

Thèmes :
Problématique:

Ces dernières années se sont multipliées des recherches au niveau international auprès des séronégatifs à haut risque pour le VIH (à travers les enquêtes sur la PrEP) et des usagers de drogues en contexte sexuel – généralement désignés comme des “chemsexeurs”, appropriation francophone du néologisme anglais “chemsex” (chem’ (drogue) et sex). Ces diverses études répondent à des enjeux de santé publique importants et ciblent notamment les usages de drogues et les pratiques sexuelles considérés comme les plus à risques liés au VIH et au VHC (telles que l’injection ou la pratique du fistfucking) (Maxwell, Shahmanesh, et Gafos 2019). Ces travaux nous permettent d’envisager avec plus de finesse et de complexité les rapports aux risques (Hickson 2018; Gaissad 2017), les vulnérabilités liées à l’isolement (Amaro 2016), les différentes formes de stigmatisation (Tan et al. 2018; Stevens et Forrest 2018; Ahmed et al. 2016) et les stratégies de réduction des risques mises en place (Herrijgers et al. 2020; Bourne et al. 2015; Stardust et al. 2018; Bedi, Sewell, et Fitzpatrick 2020). Ce faisant, ces perspectives tendent à minimiser la diversité des pratiques associant drogues et sexualités (Amaro 2016), et les notions de plaisir et d’hédonisme se trouvent bien souvent à la marge des projets de recherche – ou au sein de projets qualitatifs situés aux marges de la santé publique, qu’ils soient participatifs/communautaires ou qu’ils relèvent des sciences sociales critiques (Moore 2008; Race 2008; Duff 2008; Ritter 2014; O’Malley et Valverde 2004).

Méthode :

Le projet s’appuie sur deux enquêtes qualitatives complémentaires :

  1. Une analyse socio-historique de l’émergence du chemsex comme objet de recherche en France, au cours des années 2010. Elle sera menée par entretiens auprès des acteur.trice.s de la recherche VIH et hépatites (chercheur.se.s académiques et communautaires, associations impliquées, institutions) en France (N=30).

  2. Une étude par Photovoix et Podcasts autour du chemsex et des risques perçus auprès de chemsexeurs, dans quatre villes du Sud de la France : Toulouse (N=10), Montpellier (N=10), Marseille (N=10), Lyon(N=10), et en distanciel (N=10) auprès de chemsexeurs vivant dans des villes de moins de 200 000 habitants.

Perspectives :
  1. Étudier le « looping effect » de la catégorie Chemsex : Dans le contexte de la lutte contre le VIH et les hépatites, certaines personnes et communautés sont sur-enquêtées, en raison du foisonnement des recherches auprès d’elles. Ce ciblage des enquêtes et l’accumulation de savoirs produits façonnent en retour leur manière d’appréhender de nouvelles recherches. Expertes de leurs pratiques les personnes deviennent également expertes dans le rôle d’enquêtées, ce qui alimente les biais de « désirabilité » (lorsque les personnes tendent à s’ajuster aux attentes des chercheur.e.s), mais aussi ce qui peut avoir un effet sur leurs pratiques et leur réflexivité sur leurs pratiques, soit un « looping effect » des catégories produites par les recherches. L’analyse de ces processus de subjectivation inhérents à la pratique scientifiques en SHS est au cœur du projet.

  2. Les apports d’une recherche participative par Photovoix : A la différence des approches plus classiques en sciences sociales (questionnaires, entretiens, focus groupes), cette démarche implique une participation active des enquêtés, qui vont illustrer par l’image et l’audio les réalités vécues et leurs représentations plurielles, ambivalentes et ou contradictoires du Chemsex. L’analyse des contenus produits par les enquêtés permet ensuite d’accéder à des dimensions subjectives parfois absentes des entretiens – émotions, esthétique, mise en scène de soi. Les méthodes participatives sollicitées vont au-delà du seul processus de co-production des données puisque les photos, audio font l’objet d’une analyse par les enquêtés eux-mêmes. On fait donc l’hypothèse que ces approches par Photovoix et podcast sont heuristiques, en ce qu’elles favorisent ce pas de côté permettant aux personnes de produire un discours sur elles-mêmes qui puissent ouvrir la discussion sur les catégories préconstruites qu’elles mobilisent, dont elles se défendent ou qu’elles cherchent à neutraliser.