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GeoPal

Géo-épidémiologie du paludisme dans la vallée du fleuve Limpopo, Afrique du Sud

L’objectif général du projet GeoPal est d’établir les bases scientifiques et organisationnelles pour comprendre comment les environnements naturels et sociaux, l'écologie vectorielle, la diversité parasitaire, sont combinés pour expliquer la persistance du paludisme.
Pour y arriver, 2 objectifs spécifiques seront développés dans le cadre de la collaboration :

Objectif 1. Décrire la variabilité spatio-temporelle des cas de paludisme
La distribution spatiale des cas de paludisme à travers le temps est un facteur clé pour comprendre où et quand le parasite est transmis. Les tendances à long terme (13 ans) et saisonnières fournissent des informations sur la dynamique à différentes échelles, et changements potentiels dans la dynamique. Les zones à haut risque -hotspots- (et les zones à faible risque -coldspots-) doivent être définies pour identifier paysages favorables (et défavorables) à la transmission.

Objectif 2. Etablir un observatoire du paludisme dans la zone à plus haut risque.
La détermination des facteurs environnementaux, sociétaux, parasitaires et vectoriels à une échelle précise nécessite un suivi approfondi et à long terme sur un nombre restreint de sites spécifiques. Le consortium déterminera les lieux les plus adaptés pour mettre en place un observatoire, en accord avec les communautés et les autorités locales.
 

Période du projet :
-
Membre(s) SESSTIM du projet :
Commanditaires :
Partenaires :

ISMC – institute for Sustainable Malaria Control
L'ISMC (Université de Pretoria, Faculté des Sciences de la Santé) est un institut transdisciplinaire et interministériel qui développe des recherches collaboratives visant à promouvoir des stratégies innovantes et durables de lutte contre le paludisme.  plus sûrs et durables, avec pour objectif ultime l'élimination du paludisme (dotation de la National Research Foundation (NRF) d'Afrique du Sud). L’institut coordonne des travaux transdisciplinaires, à travers un réseau national d’unités de recherches (inter-universités), combinant épidémiologie, sciences humaines et sociales, parasitologie, entomologie, météorologie, climatologie, sciences de l’environnement , mathématiques. Créé par une volonté gouvernementale afin d’atteindre l’élimination du paludisme, les travaux de l’ISMC  sont en relation étroite avec les autorités locales menant la lutte contre le paludisme, au plus près des communautés.
Ainsi, le partenariat socio-culturel du projet est assuré par ce lien étroit avec le programme de lutte contre le paludisme de la province du Limpopo (Philip Kruger).

Composition de l’équipe
Christiaan DeJager (Pr), head of ISMC, épidémiologie
Maria Bornmann (Pr), épidémiologie, sciences humaines sociales de la santé
Lawrence Braack (Pr), entomologie
Lyn-Marie Birkholtz (Pr), Parasitologie (en lien avec
Hannes Rautenbach (Pr), Météorologie, Climatologie (en lien avec le South African Weather Service)
Philip Kruger, Director Malaria Control Program - Limpopo Province 
 

Problématique:

La transmission du paludisme en Afrique du Sud (SA) est très localisée et se produit principalement dans les zones de basse altitude des provinces du Limpopo, du Mpumalanga et du KwaZulu-Natal, zones frontières du Zimbabwe et du Mozambique. Environ 10% de la population (soit 5,1 millions d’habitants) (OMS-SA2017) vit dans des zones à plus haut risque de paludisme. P. falciparum représente la majorité des espèces plasmodiales présentes, maladie potentiellement mortelle. Bien connu depuis les années 1950, le vecteur principal est Anopheles arabiensis, du complexe gambiae. Grace à une politique volontariste associant le diagnostic et le traitement rapides à la lutte anti-vectorielle, le nombre de cas de paludisme a diminué de 2000 à 2011, réduisant l'incidence nationale de 11,1 à 2,1 cas de paludisme / 1 000 habitants. Cependant, depuis 2011, le taux d'incidence est resté relativement stable, oscillant jusqu’à un minimum de 0,8 cas / 1 000 habitants. Le nombre de cas de paludisme importés représentent nationalement 63%, voire plus de 80% pour certaines zones géographiques. Le risque de paludisme est ainsi hétérogène en fonction des périodes et des lieux. Parmi les 3 Provinces du nord, la Province du Limpopo est la plus touchée, et, plus précisément, le Vhembe District Municipality (VDM), principal district touché d’Afrique du Sud (Maharaj2012) : de 1998 à 2007, 66% des cas signalés dans le Province du Limpopo provenait de ce district (Gerritsen2008) ; en 2014, ce district représentait plus de 60% de la totalité des cas (nationalement) signalés (Rama2016). Au sein du district de Vhembe, la vallée du fleuve Limpopo (LRV) a rapporté 15 739 cas de janvier 1998 à mai 2017, soit 27% des cas signalés dans le district de Vhembe (Adeola2017).
Au cours de la saison estivale 2016-2017, les pluies ont commencé tardivement après une longue période de sécheresse, jusqu’à observer des inondations importantes. Les personnes les plus vulnérables, vivant dans les zones rurales reculées, ont été les plus touchées. Les conditions environnementales chaudes et humides ont favorisé le développement de vecteurs. Le nombre de cas de paludisme dans toute la province du Limpopo a augmenté de 909 cas à 2 839 entre janvier et avril 2017. La grande majorité des cas ont été observés dans la vallée du fleuve Limpopo, dans des zones d’agricultures intensives, dans les villages où les migrants (notamment travailleurs saisonniers) sont logés, bordant le Zimbabwe et le Mozambique.
Les programmes de lutte sont mis en échec, malgré les efforts financiers et humains consentis. La combinaison de précipitations intenses après sècheresses, de températures élevées et d’une lutte anti-vectorielle mal ciblée semble être la cause de ces pics. Cependant, aucune donnée scientifique n’existe permettant ni de soutenir cette hypothèse ni d’optimiser les programmes de lutte, et d’autres déterminants locaux doivent être envisagés, notamment la mobilité des personnes, le changement de comportement des vecteurs, des modifications de l’environnement. Les partenaires sud-africains du projet ont évalué, pour 2 localités, les relations entre les facteurs climatiques et environnementaux et l’incidence du paludisme, confirmant la tendance saisonnière et en soulignant l'influence de l’irrigation agricole (Adeola2016). Les résultats d’études entomologiques sur un village font suspecter un changement dans les espèces vectorielles, avec la présence non négligeable d’Anopheles quadriannulatus et Anopheles rivulorum, dont le comportement diffère sensiblement d’Anopheles arabiensis (Mouatcho2018, Cornel2018).
 Au-delà de ces premiers résultats, et malgré le nombre élevé de cas dans la vallée du fleuve Limpopo, aucune information n’est disponible sur l'épidémiologie du paludisme, le portage parasitaire, l'identité vectorielle, la dynamique de transmission dans cette région.
Le consortium, qui sera établie dans le cadre du présent projet « pépinière d’excellence », vise à étudier, dans une approche transdisciplinaire, « eco-health », la dynamique du paludisme résiduel dans la zone transfrontalière du Limpopo, pour fournir aux décideurs des informations essentielles pour développer de nouvelles stratégies de lutte ciblées. Cette étude est en ligne avec l’initiative « Elimination 8 » (E8) qui regroupe 8 pays d’Afrique Australe, faisant converger les efforts pour éliminer le paludisme (E82017). Le consortium a obtenu également le soutien des autorités provinciales et nationales, en particulier les services en charges de la lutte contre le paludisme.

Hypothèse
Dans la vallée du fleuve Limpopo, il n'y a, actuellement, aucune connaissance de la dynamique spatio-temporelle du paludisme, à l’origine de la persistance et la récurrence des épidémies. C’est un constat d’échec de l’investissement national contre le paludisme, sans que les causes de cet échec soient connues. Il est nécessaire de comprendre le rôle respectif des différents facteurs environnementaux (végétation, eau, occupation des sols), météorologiques (pluies, températures, vent, humidité, évapotranspiration), sociaux (densité de population, urbanisation, la mobilité, vulnérabilités, populations « cachées », comportements), afin d’optimiser les programmes de lutte contre le paludisme.
 

Méthode :

WP1. Variabilité spatio-temporelle de l'incidence du paludisme
La distribution des cas de paludisme sera évaluée, en analysant les registres officiels des cas déclarés, maintenus par les autorités de la Province du Limpopo. L'analyse des informations extraites d’images satellites et des observations météorologiques (fournies par le South-Africa Weather Service) permettra de décrire les conditions climatiques et environnementales favorable à la transmission, et leurs évolutions dans l'espace et dans le temps. Les cartes dynamiques seront produites et mises à jour tout au long du projet, en concertation avec les autorités locales.
Description des taches :
T1.1 En partant des données épidémiologiques historiques déjà disponibles (registres de la province du Limpopo 2005-2018), un Système d’Information Géographique (SIG) sera construit, intégrant les cas confirmés, les campagnes précédentes de pulvérisation d'insecticides, les données démographiques, météorologiques et environnementales. Les informations seront mises en cohérence aux échelles hebdomadaire et locale.
T1.2 À l'échelle de la localité, les séries temporelles d'incidences seront analysées suivant  l'approche de Box-Jenkins (Cowpertwait2009). L'échelle hebdomadaire a été choisie afin d'évaluer avec plus de précision les changements temporels et les décalages avec les facteurs météorologiques et environnementaux. Ceux-ci seront évaluées en utilisant des approches de classification et de réduction de la dimension, afin de caractériser des « paysages » et leurs évolutions. Les périodes de basse et haute transmission seront estimées en appliquant une analyse du point de changement (Killick2014).
T1.3 La détection de clusters spatiaux permettra de mettre en évidence les zones à haut risque suivant l'approche de Kulldorff (Gaudart2007). L’inférence sera réalisée par simulation de Monte Carlo. Cette approche permettra d’obtenir les risques relatifs associés à chaque cluster. 
T1.4 Les profils d'épidémies et de paysages seront estimés pour chaque localité et chaque période. A partir de cette cartographie, la force d’association (Standardized Incidence Ratio) des profils environnementaux avec le risque palustre sera estimée (Wood2006), permettant de produire, pour les autorités locales, des cibles pour des interventions spécifiques. Par ailleurs, ces localités cibles seront retenues pour mettre en place un observatoire du paludisme et le design de la surveillance (WP2).
WP 2. Observatoire du paludisme
La mise en place d’un observatoire du paludisme dans les zones à plus haut risque permettra d’étudier, sur le long terme, les déterminants environnementaux, sociétaux, parasitaires et vectorielles du paludisme résiduel, ainsi que les facteurs d’échec des stratégies d’élimination. Le projet GeoPal rassemblera les expertises et les informations suffisantes pour construire un tel observatoire, et rechercher les financements suffisants.
T2.1 Les villages, inclus dans l’observatoire, seront déterminés grâce aux résultats du WP1. Des échanges seront réalisés avec les communautés locales, pour présenter le projet et obtenir l’accord communautaire. Suivant la règlementation en Afrique du Sud, les documents règlementaires seront établis et déposés aux autorités provinciales et nationales, incluant le comité d’éthique.
T2.2 Le cadre de surveillance sera établi, par le consortium, incluant les informations sociétales, environnementales, parasitologiques et vectorielles nécessaire, ainsi que le design de la surveillance. Un système d’information sera développé afin d’assurer la collecte, la cohérence et la stabilité de la surveillance.
T2.3 Le consortium soumettra des projets aux différents appels à projet nationaux et internationaux (South African Medical Research Council, Bill & Melinda Gates Foundation, Initiative 5%, Agence National de la Recherche, South African Science Service Center for Climate Change and Adptive Land Management, Wellcome Trust).

Perspectives :

Dans notre zone d'étude de la vallée du fleuve Limpopo, la majeure partie de la population vit dans des conditions socio-économiques défavorables et n’a pas accès à des soins de santé de qualité. Dans la majorité des cas, les ménages sont gérés par la mère, le père étant employé ailleurs, ne rentrant que rarement chez lui. Lorsque la mère meurt du paludisme dans ces zones rurales reculées de la municipalité du district de Vhembe, les conséquences sont dévastatrices pour les enfants. Lorsque l’un des parents est malade, cela entraine également une perte financière majeure pour le foyer, déjà défavorisé. Les enfants malades perdent également des journées d'école, entrainant un retard sur l'éducation. Il a été démontré que le paludisme ralentit la croissance économique en Afrique. L'Afrique du Sud consacre une part considérable du budget annuel du Département de la Santé aux insecticides destinés aux programmes de pulvérisation de vecteurs du paludisme. 
Or, les programmes de lutte sont en échec. Comprendre les facteurs qui vont à l'encontre de l'objectif d'élimination locale permettra de développer des stratégies innovantes. Au-delà de la zone géographique étudiée, les résultats de la recherche seront adaptables à d’autres régions confrontées à des situations similaires (par exemple Sénégal, Guyane).
Le projet GeoPal, présenté ici, permettra de construire le partenariat, de renforcer les capacités par la formation d’étudiants, de soumettre des projets communs à des Appels à Propositions, mais aussi, répondra concrètement, et dans le temps du projet, à la question de la dynamique spatio-temporelle du paludisme. En effet, l’analyse de cette dynamique est la première étape, effet levier qui permettra de structurer les projets du consortium et de répondre, également, à la demande des autorités locales pour le ciblage des actions de lutte. Nous prévoyons d’atteindre cet objectif concret  au cours de la première année du projet GeoPal.