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DynaSTEC

Dynamique Spatio-temporelle de la Transmission du paludisme dans des Environnements Changeants

Objectif 1 : identification des profils épidémiques
Le développement des systèmes d’informations épidémiologiques doit permettre de documenter l’incidence de paludisme, de construire des tableaux de bords complétés d’information contextuelles (météorologie, économie, sociologie), de générer des hypothèses sur les meilleurs moyens pour interrompre leur transmission, et de documenter l’efficacité des interventions. A titre d’exemple, le PNLP du Mali avait annoncé une recrudescence des cas de paludisme depuis 2015. Néanmoins, des questions persistent sur ce phénomène : est-ce une augmentation objectivable par rapport aux années précédentes ? Est-elle identique sur l’ensemble du territoire ? Existe-il des décalages entre les démarrages et fin épidémiques ?
C’est en implémentant un système d’information adapté et en analysant les séries temporelles, et les cartes, à une résolution spatiale et temporelle suffisante que la jeune équipe pourra répondre à cette question de l’excès de cas de paludisme depuis 2015 et d’analyser la suite de cet excès de cas en 2019, 2020 et 2021.
Il faut noter que, le coordinateur (Dr I Sagara) du présent projet d’équipe a, en 2016-2017, coordonné la mise en place un système pilote, sur le site de Bancoumana. Il s’agit d’un système d’information permettant, à partir des informations patients du centre de santé, de mettre en cohérence différentes bases de données pour la construction de surveillance épidémiologique.
Un premier travail consiste à implémenter la mise en place du SIE, multidisciplinaire, en définissant, notamment, les meilleurs formats de recueil, de transmission et de suivi de la collecte et de la qualité des données et des métadonnées. A l’échelle d’une région, les données transmises depuis 5 ans par les formations sanitaires seront disponibles. Les données hebdomadaires simples (nombre de consultations, nombre de cas de fièvres, nombre de cas de paludismes confirmés) seront mises en cohérence avec des bases de données sociodémographiques
et environnementales. Par ailleurs, les collaborations développées, en amont, avec le Service National de la Météorologie et le Service National de l’Hydrologie, permettront d’obtenir les informations météorologiques et hydrologiques (en particulier dans le delta intérieur du Niger) indispensable au système. Le lien avec les communautés locales et, en particulier, l’association des médecins de campagne, permettra de développer une rétro-information utile, notamment pour l’anticipation de la saison épidémique.
La Jeune Equipe Associée DynaSTEC, appuyée par les partenaires du Nord, implémentera ce système d’information sur l’ensemble des sites du MRTC et des sites sentinelles du PNLP, pour une surveillance pérenne du paludisme, s’intégrant dans le système national existant (DHIS2).
L’analyse de l’évolution spatiale et temporelle de l’incidence du paludisme se fera grâce à la mise en oeuvre des modèles statistiques longitudinaux et spatialisés, prenant en compte l’environnement et la démographie. Dans un premier temps, l’approche, classique, développée par Box et Jenkins [11] sera mise en oeuvre pour étudier (et stationnariser) les séries temporelles en divers zones géographiques, et leurs décalages, ainsi que les relations avec les déterminants environnementaux. La mise en oeuvre de modèles additifs généralisés permettra d’identifier les relations non linéaires entre incidence palustre et déterminants environnementaux, ainsi que de produire des interpolations spatiales, suivant l’approche de Simon Wood [12]. Enfin, l’analyse de données fonctionnelles (FDA – James Ramsay [13]) permettra de classer les profils de courbes épidémiques. La prise en main d’outils d’analyse puis le développement d’une démarche d’analyse et d’interprétation adaptée au contexte local seront mis en oeuvre par l’ensemble de l’équipe, appuyée par les unités de recherche du Nord.

 

Objectif 2 : Caractérisation des foyers de persistance et de propagation de paludisme : facteurs explicatifs et prédictifs d’anomalies de transmission
Si la notion de foyer peut apparaitre comme une évidence, la définition de foyer n’est pas standardisée en termes d’indicateurs ou de seuils pour une maladie donnée. Il est d’ailleurs probable que les différents paramètres impliqués dans la définition aient des importances variables en fonction du contexte. Les travaux menés sur les foyers de transmission du paludisme, notamment au Kenya, montrent une importante hétérogénéité d’échelles et de stabilité au cours du temps [14,15]. A partir de la détection d’anomalies positives de cas par un SIE (objectif
1), la vérification du statut de foyer et la compréhension des facteurs associés passent par l’analyse de la transmission du pathogène et des conditions environnementales (objectif 2). Les facteurs associés à la présence de parasite étant variés, l’approche « eco-health » que développera la jeune équipe multidisciplinaire, est indispensable.
Dans un premier temps, la caractérisation des différents paramètres d’un foyer nécessite d’utiliser les mesures adéquates de la présence de parasite. Les anomalies d’incidence détectées par le système de surveillance doivent être confirmées avec des méthodes parasitologiques de précision suffisante, afin d’approfondir la notion de « réservoir parasitaire » et son importance dans la dynamique épidémique. Si les TDR actuels et la microscopie suffisent pour le diagnostic et le traitement des cas symptomatiques de paludisme, l’identification de réservoirs nécessite l’utilisation de tests plus sensibles. Les liens entre incidence des cas cliniques, prévalence du parasite, et transmission sont complexes, et il est souhaitable de pouvoir comparer les différentes mesures.
L’objectif sera de caractériser biologiquement la transmission du paludisme dans les foyers identifiés par l’objectif 1. L’estimation du portage asymptomatique et sous-microscopique (TDR ultra-sensible, PCR quantitative), ainsi que la gamétocytémie sera réalisée par les équipes du MRTC-OKD partenaires. De même, la recherche d’exposition des populations humaines aux vecteurs ou aux parasites nécessitera, outre les mesures entomologiques parasitologiques directes, l’utilisation de marqueurs indirects d’exposition (détection d’anticorps
anti-Plasmodium marquant une infection récente, détection des anticorps anti-salive d’Anophèle pour évaluer l’exposition aux vecteurs), dont les techniques sont maitrisées par les équipes du MRTC-OKD. L’ensemble de ces mesures, réalisées par les partenaires, seront mises en cohérences, par la Jeune Equipe Associée, avec les séries temporelles et les d’incidence pour déterminer l’existence d’un réservoir de parasite. L’analyse de la relation entre réservoir et incidence clinique sera également un point méthodologique important et innovant, pour lequel la multidisciplinarité de l’équipe est indispensable.
Deuxièmement, il s’agit de déterminer les facteurs associés à la transmission, pour lesquels la contribution relative et, le cas échéant, la capacité prédictive seront estimées. Les résultats devront permettre de mieux cibler, dans l’espace, le temps et selon les populations, les interventions visant à interrompre ou limiter la transmission (objectif 3). La mobilité des populations est un aspect particulièrement intéressant dans une perspective d’élimination, car les personnes mobiles, en particulier vers et à partir des foyers, facilitent la circulation et le brassage génétique du pathogène. Les facteurs démographiques (en particulier mobilité), sociaux (niveau économique, utilisation moyens de prévention individuels…), environnementaux (occupation des sols, proximité de points d’eau) et climatiques associés aux foyers ou aux différents types de foyers seront déterminés et utilisés afin de tenter d’en prédire/extrapoler la distribution spatiale et temporelle. Des enquêtes de caractérisation (sur 10 foyers et 10 nonfoyers) seront réservées à la vérification des prédictions. L’importance de ces facteurs sera analysée en utilisant plusieurs méthodes complémentaires afin de vérifier leur convergence : régression classique ; classification et arbres de régression (CART) ; définition de profils de paysages (analyse en composantes principales et classification hiérarchique ascendante sur composantes principales) ; puis analyse de leur association avec le statut de foyer ou les paramètres définissant un foyer (modèles linéaires généralisés ou additifs, notamment pour prendre en compte les relations non-linéaires).
L’approche « eco-health » développée par la jeune équipe associée, permettra la prise en compte de ces facteurs environnementaux et sociaux, indispensables pour la compréhension du fonctionnement des foyers.

 

Objectif 3 : Cadre méthodologique pour le développement d’interventions innovantes
L’analyse épidémiologique permet de détecter rapidement des problèmes locaux (objectif 1), de comprendre les caractéristiques associées (objectif 2) et de tenter de les résoudre par des approches ciblées pour limiter leurs conséquences, enrayer leur expansion ou les éliminer. Il s’agit pour les chercheurs en lien avec les acteurs de terrain (services de l’état ou associatif) de proposer des stratégies d’intervention réalistes qui pourront rejoindre la boite à outils des épidémiologistes de terrain basés dans les districts de santé. La caractérisation des foyers
vise à concevoir des stratégies spécifiques, basées sur les données recueillies. La mise en évidence de caractéristiques environnementales spécifiques permettrait ainsi d’adapter la lutte.
La définition « fonctionnelle » d’un foyer comme un territoire où, malgré la mise en oeuvre de mesures efficaces, l’incidence du paludisme ne diminue pas, appelle nécessairement à des actions supplémentaires. Dans un cas de course contre la montre comme celle qui se joue actuellement contre la résistance aux ACT et aux insecticides, une vitesse de décroissance insuffisante pourrait suffire à déclencher une intervention. Dans le cas de foyers associés à une forte prévalence de portage asymptomatique, qui assure le maintien d’un réservoir important entre deux saisons de transmission, le traitement de masse de la population permettrait de réduire ce réservoir à des niveaux suffisamment faibles pour éviter ou limiter l’ampleur de la saison de transmission suivante. Cette stratégie est en train de faire ses preuves en Asie du Sud-Est, et a été expérimentée récemment au Sénégal et dans plusieurs pays d’Afrique Australe [16,17]. Il s’agit d’’étudier l’adaptation possible de telles stratégies au contexte local, de s’assurer de la faisabilité, de l’acceptabilité pour les communautés, de l’efficacité d’une telle intervention (définie par la capacité à effectivement vider le réservoir) et la durée de l’effet obtenu.
Dans un premier temps, les membres de la Jeune Equipe Associée développeront in silico une évaluation des différentes stratégies basées sur un traitement de masse ciblé. Sur la base de modélisation récemment publiées [18], la recherche de l’équipe se constituera d’abord sur une prise en main des modèles existants, puis sur leur adaptation au contexte local, dans les zones géographiques où sont situés les sites du MRTC-OKD et les sites sentinelles du PNLP. De plus, l’aspect mobilité des populations, particulièrement important dans le contexte
politique malien, sera ajouté à ces modèles mathématiques de transmission (en particulier le modèle d’impédance développé au SESSTIM). Le cas échéant, un complément d’information sera demandé aux équipes du MRTC-OKD pour améliorer l’estimation de paramètres du modèle. A partir de ces résultats, un canevas de stratégies sera proposé au PNLP et au MRTC-OKD.
Deuxièmement, le cadre méthodologique d’évaluations d’intervention sera élaboré, que ce soit pour des essais d’intervention ou pour des d’études observationnelles. En effet, l’évaluation d’intervention est soumise à différents biais qui sont rarement pris en compte. Notamment, la variation de l’exposition au risque, à cause de facteurs socio-environnementaux variables dans le temps et l’espace, impacte l’estimation de l’effet de la stratégie, même dans le cadre d’essais randomisés. Les membres de la jeune équipe quantifieront ce biais pour différents
scénarios issus du contexte local et proposeront un plan d’analyse adapté à cette hétérogénéité du risque de base. Par ailleurs, principalement dans le cadre d’études observationnelles d’interventions, l’intervention est modifiée en fonction de l’importance de l’incidence elle-même et d’autres facteurs de confusion non mesurés. Il s’agit d’un biais similaire au biais d’indication bien connue en pharmaco-épidémiologie [19]. Dans ce contexte, l’équipe développera un cadre méthodologique pour la correction du biais d’indication dans les études observationnelles agrégées. La construction de la Jeune Equipe Associée permettra, à la suite du présent projet, d’implémenter des essais d’intervention prenant en compte les résultats obtenus par l’analyse in silico et d’avoir un cadre méthodologique fiabilisant l’analyse des résultats.

Période du projet :
-
Membre(s) SESSTIM du projet :
Membre(s) hors SESSTIM du projet :

Issaka SAGARA

Commanditaires :

IRD

Partenaires :

Mahamadou S Sissoko ; Drissa COULIBALY ; Abdoul Karim SANGARE ; Ismaila THERA ; Malaria Research and Training Center – Ogobara K Doumbo (MRTC-OKD), Université des Sciences, des Techniques et des Technologies de Bamako (USTTB), Mali

Moussa K KEITA ; Université de Ségou, Mali

Nadine DESSAY; Espace pour le Développement UMR228 ESPACE-DEV

Problématique:

Le paysage de la santé publique dans les pays en développement a fortement changé. A la période du contrôle des grandes endémies, a succédé une période marquée par des progrès considérables réalisés face à de vieux ennemis comme le paludisme, à présent inscrit sur l’agenda de l’élimination dans plus de 20 pays. En parallèle, les dynamiques des maladies infectieuses semblent s’être accélérées, de même que le rythme d’émergence de nouvelles maladies, en particulier virales (fièvres hémorragiques, dengue, zika…). L’accession de nombreux pays à de meilleurs niveaux de développement, la mobilisation de bailleurs de fonds internationaux sur certaines maladies (paludisme, hépatites, VIH, tuberculose, virus Ebola) se traduit par une volonté accrue d’intervention des partenaires oeuvrant pour la santé publique. Il est cependant indispensable de bien comprendre la situation épidémiologique et la dynamique de transmission des maladies, en particulier du paludisme, dans un contexte local ainsi que les forces et faiblesses des systèmes de santé en place pour employer stratégiquement des
ressources nécessairement limitées.
Les efforts de lutte mondiale contre le paludisme ont entraîné une réduction du nombre de décès depuis 2000 selon l’Organisation mondiale la santé (OMS) ; toutefois, 216 millions cas de paludisme ont encore été déclarés en 2016, entrainant 445 000 décès, avec environ 91 % des décès dans la région africaine de l’OMS (OMS 2017) [1]. La morbidité et la mortalité due au paludisme ont également un coût important impactant le développement économique des pays [2]. Au Mali, comme la plupart des pays au Sud du Sahara en Afrique, le paludisme demeure très important avec 2 171 739 cas de paludisme non compliqué et 1 894 décès en 2016. Selon le Système d'Information Nationale Sanitaire (SNIS), le paludisme a représenté 35 % de toutes les consultations dans les établissements de santé [3].
Cet état ci-dessus montre l'importance et la nécessité du renforcement de la surveillance épidémiologique du paludisme au Mali, ainsi qu’une meilleure compréhension de la dynamique épidémique pour une meilleure efficacité des stratégies de lutte.
L’apparente accélération des dynamiques de transmission des maladies est portée par l’accélération de la mobilité des populations humaines, mais aussi des animaux et des vecteurs, ainsi que par les changements environnementaux : urbanisation, aménagements hydrauliques (irrigation, barrages), déforestation, changement climatique. Il est indispensable pour les pays en développement de se doter de systèmes d’information épidémiologique (SIE) solides et réactifs et d’une analyse scientifique des informations épidémiologiques pour guider la lutte. L’exemple du virus Ebola a illustré combien la défaillance de ces systèmes a été coûteuse en vies humaines en privant les acteurs des informations nécessaires à la lutte contre l’épidémie. L’expansion rapide des réseaux de téléphonie mobile et l’augmentation exponentielle de l’utilisation de smartphones offre, en regard de l’accélération de la mobilité des individus et des pathogènes, de nombreuses opportunités pour accroitre la réactivité des systèmes de collecte et de traitement de données de surveillance : décentralisation, communication rapide, utilisation d’applications locales et transferts bidirectionnels de données et d’alertes… La disponibilité de plus en plus grande de données environnementales et démographiques (images satellite, mobilité), permet de mettre en relation rapidement et systématiquement, l’incidence de maladies avec le contexte climatique et environnemental local de leur survenue.
La description fine de la situation épidémiologique d’une maladie permet d’identifier des « anomalies » positives ou négatives dans sa survenue. La notion de « hotspot », que l’on pourrait traduire par « foyer », épidémique ou endémique, exprime un ensemble de circonstances dans l’espace, le temps, et les groupes de population, pour lesquels existent un risque accru de transmission d’un pathogène, ou de morbidité et de mortalité d’une maladie.
Identifier les foyers de persistances (« hotspots ») et les foyers de propagation (« hubs »), comprendre leur fonctionnement et déterminer les moyens spécifiques d’agir sur ceux-ci permet d’avoir un impact majeur sur une maladie. Actuellement, le Ministère de la Santé du Mali a annoncé comme prioritaire le renforcement du SIE national. Cette priorité nationale offre donc des possibilités nouvelles d’identifier, de comprendre et d’agir de façon différenciée sur la transmission d’une maladie en fonction du contexte épidémiologique, en prenant en compte les aspects démographiques, sociaux-économiques, environnementaux les plus pertinents. Les interventions doivent être évaluées pour prouver leur efficacité dans un contexte de recherche opérationnelle, en « conditions contrôlées ». Il faut aussi s’assurer de leur faisabilité à grande échelle, et de leur acceptabilité par les populations. Une fois bien documentées, il est possible d’utiliser des modèles mathématiques pour simuler les effets d’une plus grande variété de conditions et proposer des scenarios argumentés aux décideurs (gestionnaires de programme, autorités de santé nationales et organisations internationales).
C’est autour de ces questions, dans une approche interdisciplinaire, qu’est constituée la Jeune Equipe Associée DynaSTEC « Dynamiques Spatio-temporelles de la Transmission du paludisme dans des Environnements Changeants ». En effet, elle regroupe des compétences en biostatistiques/biomathématiques, parasitologie, entomologie, géographie, géomatique, épidémiologie, systèmes d’information, autour d’une même problématique : la dynamique du paludisme dans les contextes environnementaux locaux. La construction de l’équipe, associant des chercheurs d’horizons différents, passe d’abord par un dialogue interdisciplinaire, déjà débuté pour l’écriture du présent projet. Le développement de questions de recherche communes a débouché sur une fertilisation croisée des thématiques disciplinaires. Ainsi, sur la base de ce projet de jeune équipe associée et au-delà, il s’agit, à long terme, de développer, à l’université de Ségou, un pôle de recherche et d’enseignement « eco-health ».
Ce projet s’appuie sur l’exemple du paludisme en Afrique de l’Ouest pour développer un programme de recherches autour des foyers de persistance et de propagation (« hotspots » et « hubs ») des maladies infectieuses. Le paludisme a été choisi en raison de l’expérience acquise des membres de la jeune équipe associée, mais également en raison de la situation épidémiologique particulière de cette maladie en Afrique subsaharienne et, notamment, au Mali. Les progrès enregistrés grâce à la généralisation des tests de diagnostic rapide (TDR) et des traitements à base d’artémisinine (ACT) viennent s’ajouter aux progrès importants obtenus par la lutte anti-vectorielle (moustiquaires imprégnées de longue durée), la nouvelle stratégie de la Chimioprévention du Paludisme Saisonnier (CPS) dans les pays du Sahel. Ils ont permis de débuter l’élimination en Afrique australe, et d’anticiper un changement de stratégie du contrôle vers l’élimination dans d’autres régions [4-7]. Il s’ajoute une dimension d’urgence : le temps disponible pour l’action est déjà limité par l’émergence de résistances et multi-résistances en Asie du Sud-Est [8], et la diffusion de la résistance des vecteurs aux insecticides, déjà présente en Afrique de l’Ouest. L’exemple de Bandiagara au Mali, où malgré le déploiement des différentes stratégies l’incidence du paludisme n’a pas diminué, suggère que les conditions de persistance et de transmission de la maladie vont nécessiter des efforts particuliers et des interventions spécifiques [9, 10].
Améliorer la compréhension des foyers de transmission du paludisme pour faire diminuer celle-ci présente des bénéfices immédiats pour les populations concernées, et permet d’endiguer la propagation des résistances. Pour cela, une caractérisation précise de la situation épidémiologique locale est nécessaire, identifiant les territoires où l’incidence du paludisme diminue sous l’effet cumulé des interventions, et les territoires où ces interventions ne sont pas suffisamment efficaces (Objectif 1). Ces territoires doivent être caractérisés précisément en tant que foyers (Objectif 2) et le cadre méthodologique, proposant d’autres interventions, doivent être développées (Objectif 3).

Méthode :

La Jeune Equipe Associée DynaSTEC a pour objectif de développer une activité de recherche et d’enseignement, dans une approche « eco-health ». Son activité scientifique se décompose en 3 objectifs : i) identification de profils épidémiques (incluant l’implémentation d’un système d’information épidémiologique) ; ii) caractérisation de foyers de persistance (hotspots) et de propagation (hubs) ; iii) cadre méthodologique pour le développement d’interventions innovantes (incluant modèles mathématiques in silico et développement statistiques pour l’analyse). Chaque objectif donnera lieu, d’une part, à la prise en main, collective, et l’application d’avancées méthodologiques pour répondre à des questions thématiques et opérationnelles, et, d’autre part, à des recherches méthodologiques avancées dans les différentes disciplines (Biostatistiques, Biomathématiques, Systèmes d’information Géographiques, Télédétection, Sciences de l’Environnement). L’animation scientifique est prévue à 3 niveaux. Au niveau de l’équipe elle-même, des réunions hebdomadaires permettront de faire le point sur l’avancée du projet, de partager la littérature ou des méthodes, et de coordonner les travaux des doctorants. Au niveau de l’université de Ségou, un séminaire trimestriel sera mis en place pour partager l’approche multidisciplinaire développée par l’équipe avec les autres chercheurs de l’université. Enfin, à l’échelle nationale, les membres de la jeune équipe participeront, au moins 2 fois par ans, aux séminaires du MRTC-OKD (USTTB) et aux réunions du PNLP.
En ce qui concerne le transfert des résultats, outre la valorisation scientifiques (publications et congrès internationaux, notamment le congrès annuel de l’American Society of Tropical Medicine and Hygiene), les résultats seront partagés avec le PNLP, mais également avec les districts sanitaires, les centres de santé communautaires et l’association des médecins de campagnes. En termes d’enseignements, la Jeune Equipe Associée propose, à la demande de l’Université de Ségou, d’une part de développer des enseignements spécifiques sur la surveillance épidémiologique et les méthodes avancées, et, d’autre part, de développer la formation à la recherche par la recherche au sein de la jeune Université de Ségou, avec l’appui de l’Université des Sciences, Techniques et Technologies de Bamako. Les domaines privilégiés sont l’apprentissage des bases statistiques, les analyses temporelles et spatiales les systèmes d’information géographique.
Cela consiste en des sessions de formation complémentaires inscrites dans les cursus existants (notamment en épidémiologie et bases statistiques), et des sessions de formation spécifique d’une semaine par an pour un groupe de 20 étudiants sélectionnés (en particulier en ce qui concerne les système d’information géographiques, et les analyses statistiques spatio-temporelles). Par ailleurs, ces enseignements bénéficient de l’appui des formations de Master en Santé Publique coordonnées par l’UMR1252 SESSTIM, avec les 3 spécialités à distance : Expertise et Ingénierie des Systèmes d’Information en Santé (EISIS), Méthodes Quantitatives et Econométriques pour la Recherche en Santé (MQERS) et Santé Publique, Sociétés, Développement (SPSD), bénéficiant du soutien de l’AUF (Agence Universitaire de la Francophonie). Ces enseignements de Master à distance, qui viennent d’abord en complément des enseignements réalisés par les membres de la JEAI, permettent de former, rapidement, un groupe d’étudiant autour de la jeune équipe. L’objectif de cette articulation est, qu’à court terme, des formations diplômantes locales de haut niveau puissent s’autonomiser progressivement.

Resultats:

Résultats 1 :
Il s’agira ainsi d’implémenter sur les sites du MRTC-OKD et les sites sentinelles du PNLP un système d’information épidémiologique, de décrire la distribution spatio-temporelle du paludisme, de détecter les unités géographiques (villages, centres de santé), ou agrégats d’unités, s’écartant de la moyenne ou n’obéissant pas à la tendance décroissante attendue sous l’effet de la lutte anti-vectorielle, de la généralisation des ACT et de la Chimioprévention du Paludisme Saisonnier (CPS). Par ailleurs, la caractérisation des profils épidémiques
permettra aussi d’identifier si les démarrages de la saison de transmission ou des épidémies de paludisme suivent des distributions particulières dans l’espace ou dans le temps. Une démarche d’analyse et de prévision, commune aux membres de l’équipe, sera développée.

Résultats 2 :
D’une part la définition des hotspots s’appuiera sur l’analyse des mesures parasitologiques précises dans les zones ciblées, le rôle du réservoir dans la dynamique épidémique sera estimé. D’autre part, une typologie socioenvironnementale des foyers sera réalisée, notamment dans les zones persistance d’une transmission en saison sèche, où de forte prévalence de portage asymptomatique.

Résultats 3 :
Le résultat en propre attendu de la Jeune Equipe Associée sera, premièrement, la production de modèles biomathématiques simulant différentes stratégies adaptées au contexte local et permettant de démarrer des essais d’intervention en partenariat. Ce type de travail permettra, également, de mieux comprendre le processus de réinfection, et l’impact du traitement de masse sur l’immunité, le devenir symptomatique ou non d’une réinfection.
Le second résultat sera la constitution d’un cadre méthodologique qui améliorera l’analyse des essais d’intervention (et même des essais thérapeutiques ou vaccinaux) ou des études observationnelles futures.
Cette typologie permettra d’identifier les zones d’interventions ciblées, optimales pour interrompre la transmission.