La modélisation mathématique et statistique permet de comprendre les mécanismes de transmission des maladies infectieuses, d’identifier les facteurs importants dans la lutte contre ces maladies, et d’évaluer in silico les conséquences des actions de lutte. La diffusion spatio-temporelle d’une épidémie sous-entend en général deux phénomènes imbriqués : 1) un mécanisme de transmission biologique entre un sujet infecté et un sujet sain, mettant localement en présence ces deux sujets ou faisant intervenir un hôte intermédiaire ; 2) un transport de l’agent pathogène dans l’espace géographique, par mobilité du sujet infecté ou de l’hôte intermédiaire.
Dans la première partie de cette thèse, nous avons mis en place un métamodèle de transmission du paludisme basé sur la modélisation compartimentale susceptible-infecté-résistant (SIR) et prenant en compte les flux de mobilité humaine entre différents villages du Centre Sénégal. Les efforts coordonnés de lutte contre le paludisme dans cette région ont permis une réduction considérable de l’incidence ces dernières années, permettant d’envisager désormais des stratégies vers l’élimination. La simulation mathématique a permis d’étudier diverses stratégies de lutte, le choix des sites et des périodes d’intervention. Les stratégies d’intervention géographiquement ciblées, s’étaient avérées efficaces pour réduire l’incidence du paludisme aussi bien dans les zones d’intervention qu’à l’extérieur de ces zones. Cependant, des actions combinées ciblant à la fois le vecteur et l’hôte, coordonnées à large échelle sont nécessaires dans les régions et pays visant l’élimination du paludisme à court/moyen terme.
Dans la deuxième partie nous avons évalué différentes méthodes d’estimation de la mobilité humaine en l’absence de données individuelles. Ces méthodes incluaient la traçabilité spatio-temporelle des téléphones mobiles ainsi que les modèles mathématiques de gravité et de radiation. Le transport de l’agent pathogène dans l’espace géographique, par la mobilité d’un sujet infecté est un déterminant majeur de la vitesse de propagation d’une épidémie. Nous avons introduit le modèle d’impédance qui minimise l’erreur quadratique moyen sur les estimations de mobilité, en particulier dans les contextes où les ensembles de population sont caractérisés par leurs tailles hétérogènes.
Nous avons enfin élargi le cadre des hypothèses sous-jacentes à la calibration des modèles de gravité de la mobilité humaine. L’hypothèse d’une distribution avec excès de zéros a fourni un meilleur ajustement et une meilleure prédictibilité, comparée aux hypothèses classiques n’assumant pas un excès de zéros : Poisson, Quasipoisson. L’introduction des données d’altitude géographique a aussi amélioré l’adéquation du modèle. Les capacités prédictives des ces nouveaux modèles permettent de compléter les données de mobilité basées sur le téléphone portable dans les zones de faible couverture ou fortes altitudes, et de réduire les biais intrinsèques aux données téléphoniques dans leur utilisation pour l’estimation du risque spatialisé d’épidémie.