Dans de nombreux pays en développement, l’objectif de la couverture santé universelle (CSU) est regardé comme un défi inaccessible, en particulier au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, où l’informalité et le chômage structurel sont répandus. Ce travail de thèse explore, à travers quatre papiers, la possibilité d’étendre le régime d’assurance maladie sociale (AS) vers la CSU, et ce, en présence d’obstacles économiques structurels.
Dans le chapitre un, on cherche à évaluer si le régime d’AS existant en Tunisie a amélioré l’accès et l’utilisation des services de soins de santé. Sont estimés, via le recours à la méthode d’appariement sur score de propension, les effets moyens -sur l’utilisation des soins de santé- de deux « traitements » : l’accès à l’assurance obligatoire ou formelle (AMO) et l’accès à l’aide médicale d’Etat (MAS). Comparés avec les non-couverts, les résultats confirment l’hypothèse que les deux régimes d’assurance (MHI et MAS)
augmentent l’utilisation des services de soins. Cependant, entre les assurances AMO et MAS, les effets moyens sont différents suivant les services de soins et les zones (rurales ou urbaines). Le chapitre deux contourne les principaux obstacles à l’extension de la couverture par l’assurance maladie via le régime Bismarckien et propose une approche originale permettant de cibler la population Tunisienne non couverte (i.e. les travailleurs informels et les individus en chômage). Une étude transversale d’évaluation contingente (EC) a été menée en Tunisie, entre Aout et Septembre 2013, se proposant d’estimer
l’adhésion et les consentements à payer (CAP) pour deux régimes présentés hypothétiquement : un régime d’assurance maladie géré par la ‘Caisse Nationale d’Assurance Maladie’ (CNAM) et un régime vieillesse géré par la ‘Caisse Nationale de Sécurité Sociale’ (CNSS). Les CAP ont été révélés via le recours à trois
formats de révélation, sur les marchés (souks) -caractérisés par la forte présence d’acteurs du secteur informel- et les places publiques (Al-mydan) -où s’organisaient régulièrement des rassemblements pacifiques de chômeurs pour revendiquer des droits sociaux peu après ce qui a été appelé ‘le printemps Arabe’. Les résultats confirment l’hypothèse selon laquelle la proposition d’une affiliation volontaire à un régime d’assurance serait acceptée par la majorité des non-couverts et que les CAP révélés en seraient substantiels. Le message de politique publique est que l’informalité n’est pas un choix irrévocable et que le contrôle de l’évasion sociale en Tunisie est possible.
Enfin, dans le chapitre trois, on s’est focalisé sur des aspects méthodologiques qui influencent la valeur du CAP. Le choix du format de révélation, dans les enquêtes d’EC, a des effets non seulement sur la quantité des informations collectées mais aussi sur les biais potentiels empêchant les vrais CAP d’être observés. On compare une nouvelle variante proposée d’un format de révélation, la Carte de Paiement Circulaire (CPC), avec deux formats très connus : la question ouverte (OE) et la carte de paiement (PC). Se basant sur la carte de paiement classique présentée comme une liste, la CPC est une représentation visuelle des valeurs sous la 1forme d’un disque sans points de départ ou de fin. Les résultats empiriques montrent que les valeurs des CAP révélées par les deux formats OE et PC sont significativement moins élevées que celles révélées en utilisant le format CPC. Nos résultats permettent de considérer le format CPC comme une éventuelle alternative pour révéler le ‘vrai’ CAP et surmonter des inconvénients de la carte de paiement. L’annexe Box 2 (Chap. III) présente l’essentiel des résultats d’un « papier joint », par Abu-Zaineh, Chanel & Makhloufi (2017), où on accorde une attention particulière aux valeurs des CAP obtenues, en distinguant les ‘vraies’ valeurs nulles des zéros protestataires. Des modèles économétriques alternatifs ont été utilisés pour mesurer et corriger les biais de sélection. Les résultats confirment la présence de biais d’auto-sélection. Globalement, on insiste sur l’importance de prendre en compte les attitudes protestataires.