GUNDO SO
Évaluation des effets à court et moyen terme d’un programme de renforcement de capacités pour les femmes vivant avec le VIH au Mali autour de la question du partage du statut sérologique
Evaluer les effets, à court et moyen termes, d’un programme de renforcement de capacités portant sur la gestion du statut sérologique pour les femmes vivant avec le VIH (FVVIH) au Mali, sur le "poids du secret".
Agence Nationale de Recherche sur le Sida et les Hépatites Virales (ANRS).
EA 4163 – GREPS -Groupe de Recherche en Psychologie Sociale-Université Lumière Lyon 2 ; Coalition plus ; ARCAD-Sida ; Université du Québec à Montréal.
Le partage du statut sérologique représente une problématique cruciale pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH). Les bénéfices du partage peuvent être significatifs, mais de nombreuses conséquences négatives ont également été documentées. À cela s’ajoutent les rapports de genre - en particulier au Mali, où les femmes sont dépendantes économiquement et ont un pouvoir limité dans les prises de décision; ainsi que la législation malienne qui, depuis 2006, oblige les PVVIH à partager leur statut avec leur conjoint/partenaire(s) sexuel(s) dans les 6 semaines suivant le diagnostic. En pratique, cette loi est peu appliquée, mais elle soulève le caractère sensible de ces enjeux et génère des craintes parmi les personnes concernées. Pour accompagner les FVVIH, un programme de renforcement des capacités (Gundo-So) a été mis en place par ARCAD-SIDA et ses partenaires. Ce programme vise à outiller les FVVIH afin qu’elles puissent prendre des décisions éclairées sur le partage ou le secret dans leurs différents contextes de vie et qu’elles identifient des stratégies à mettre en oeuvre selon leur décision de partage/secret, ainsi que pour en gérer les conséquences. Issu d’un programme québécois, Gundo-So a été mis en place au Mali en 3 étapes : 1) adaptation culturelle ; 2) validation par une évaluation pré-post intervention ; 3) implémentation dans d’autres sites d’ARCAD-SIDA. Afin d’évaluer ses effets à court et moyen termes et de comprendre les mécanismes sous-jacents, une méthodologie d’évaluation globale est désormais indispensable. Entre septembre 2015 et juin 2016, un contrat d’initiation, réalisé dans une approche de recherche communautaire, a permis aux équipes impliquées d’identifier collectivement un design de recherche évaluative optimal, incluant les aspects opérationnels ainsi que les indicateurs d’évaluation.
L’évaluation prendra la forme d’un essai randomisé à deux bras : un bras immédiat (G1) et un bras différé (G2), permettant une comparaison inter-bras et intra-bras. Le bras différé constituera le groupe témoin. Au total, 224 FVVIH âgées de 18 ans et plus, diagnostiquées depuis ≥6 mois et <5 ans seront recrutées lors de leur rendez-vous de suivi médical habituel dans un des 6 sites de prise en charge d’ARCAD-SIDA à Bamako retenus pour l’étude. Une enquêtrice effectuera, en utilisant une approche biographique, un premier bilan quant aux événements liés au partage du statut sérologique depuis le diagnostic avec chaque participante. Après une prise en charge de routine de 3 mois, les participantes seront allouées à un groupe de 8 femmes. Selon qu’il soit G1 ou G2, le groupe débutera le programme Gundo-So ou bénéficiera d’une prise en charge de routine pendant 3 mois supplémentaires, avant de participer à son tour au programme. Le suivi post-intervention s’étendra sur 9 mois.
La formation des animatrices et enquêtrices s’est déroulée fin janvier 2019 à Bamako. Le recrutement des 112 femmesde la vague 1 est terminée. La moyenne d’âge est de 34 ans. 42% déclarent ne pas avoir d’instruction, 45% travaillent dans des petits commerces (restauratrice/vendeuse etc.) et 52% jugent leur situation financière difficile. En terme de partage du statut, 35% n’ont pas dit à leur partenaire principal qu’elles étaient séropositives. Sur les 112 femmes inclues, 74 déclarent se sentir écrasées par le poids du secret (41 un peu ; 33 beaucoup)
Parmi les 135 femmes vivant avec le VIH, incluses et ayant rempli les questionnaires, l'âge médian [IQR] était de 32 [27-38] ans et 43,3% (n=58) n'avaient pas d'éducation. L'intervention a été efficace pour 71,9% (n=97) des participantes. L'analyse multivariée a montré que l'intervention était plus susceptible d'être efficace chez les femmes qui ne connaissaient pas le statut de leur partenaire ou qui avaient un partenaire séronégatif (aOR [95%CI] : 4.77 [1.19;19.11]) ; qui ont eu 2 jours d’interruption du traitement au cours des 4 dernières semaines (5,89 [1,15;30,14]) ; et qui perçevaient un jugement de la part du médecin lors de la dernière visite (5,80 [2,00;16,80]).
Cette première analyse montre que l'intervention Gundo-So est efficace et qu’elle fournit des stratégies à une forte proportion de femmes vivant avec le VIH pour mieux gérer la divulgation et/ou le secret lié à la séropositivité, notamment chez celles qui sont peu intégrées dans le suivi VIH et qui déclarent avoir des relations difficiles avec leurs médecins. Ces résultats montrent qu’il est essentiel d’encourager les interventions communautaires car elles permettent d’amener et de maintenir dans le soin VIH les femmes vivant avec le VIH.