La douleur est l'un des symptômes du cancer les plus fréquents et les plus délétères. Elle peut avoir un impact significatif sur la qualité de vie des patients, physiquement, psychologiquement, socialement et spirituellement. Son contrôle constitue donc une composante principale des soins de support et des soins palliatifs qui doivent se poursuivre au-delà de la phase curative, quel que soit le pronostic de la maladie, et tenir compte des besoins et des préférences des patients. Les directives les plus généralement utilisées pour le traitement de la douleur cancéreuse sont celles établies par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comprenant une échelle antalgique de trois paliers et visant à standardiser le traitement de la douleur (les antalgiques non-opioïdes, les opioïdes de palier II et les opioïdes de palier III). Cependant, malgré la mise en place de plusieurs recommandations y compris celles de l'OMS, la douleur cancéreuse reste dans la majorité des cas, sous-déclarée, sous-évaluée et sous-traitée. Ce sous-traitement demeure un problème récurrent chez les personnes atteintes de cancer, particulièrement mesurable dans l'accès aux opioïdes. De plus, le traitement de ce symptôme peut être différent en fonction des caractéristiques des patients et des soignants telles que l'âge, le genre, entre autres, générant un accès inégal aux traitements pour certaines populations vulnérables (i.e. les femmes et de personnes âgées).
Afin de pallier le manque de données, cette thèse vise, à travers deux approches quantitative et qualitative, à enrichir le corpus de connaissances sur la problématique du sous-traitement de la douleur chez les personnes diagnostiquées d'un cancer et à explorer le rôle des déterminants sociaux et médicaux dans l'accès au traitement de ce symptôme. Les analyses quantitatives réalisées dans le cadre de cette thèse reposent sur trois sources de données françaises : l'enquête nationale VICAN 5, l'enquête régionale PANEL des médecins généralistes et la COHORTE CANCER.
Afin de compléter ce travail et de mieux explorer le rôle des déterminants culturels et religieux dans l'accès au traitement de la douleur et aux soins palliatifs, une enquête qualitative exploratoire a été mise en place auprès de médecins impliqués dans la prise en charge des patients cancéreux au Maroc, pays où la religion musulmane est dominante. En accord avec la littérature, les résultats montrent une prévalence de la douleur toujours élevée chez les patients atteints de cancer, cinq ans après un diagnostic, probablement en raison d'un sous-traitement par les opioïdes. De plus, Ils montrent des associations significatives entre certaines caractéristiques sociales, démographiques et médicales des patients et l'accès aux opioïdes et aux soins palliatifs. D'autre part, principalement en raison du faible effectif des médecins interrogés, l'enquête exploratoire menée au Maroc ne révèle aucun lien entre le traitement de la douleur et les caractéristiques des patients, mais confirme les difficultés rencontrées au Maroc en matière d'accès aux traitements et aux soins.
En guise de conclusion, nos résultats suggèrent la nécessité d'intensifier les efforts pour améliorer, voire même modifier, les pratiques actuelles en ce qui concerne la prise en charge de la douleur après un diagnostic de cancer, car le caractère complexe et multidimensionnel de ce symptôme nécessite une appréhension globale et multidisciplinaire dans le cadre d'une approche centrée sur le patient. De plus, la connaissance et la prise en compte des caractéristiques des patients présentant un risque élevé de sous-traitement, associées à une communication appropriée entre les soignants et les patients, sont indispensables pour promouvoir une prise en charge appropriée de la douleur et un accès équitable aux différentes stratégies de traitement tout au long de la trajectoire de la maladie.